Pourquoi la légalisation du cannabis devrait être une priorité avant la fin du mandat de Macron
La question de la légalisation du cannabis en France revient régulièrement dans le débat public, alimentée par des considérations économiques, sociales, sanitaires et sécuritaires. Alors que le mandat du président Emmanuel Macron touche à sa fin, il devient urgent de considérer sérieusement cette réforme. De nombreux pays, comme le Canada, l’Uruguay ou encore certains États américains, ont déjà franchi le pas avec des résultats probants, tandis que la France reste engluée dans une politique prohibitionniste qui semble de plus en plus dépassée. Cet article développe en profondeur les raisons pour lesquelles la légalisation du cannabis devrait être une priorité avant la fin de ce mandat, en explorant ses impacts potentiels sur l’économie, la sécurité publique, la santé, l’emploi et l’évolution des mentalités.
1. Réduction du marché noir et de la criminalité
Le premier argument en faveur de la légalisation du cannabis est son potentiel à démanteler le marché noir et à réduire la criminalité associée. En France, le cannabis est la drogue illicite la plus consommée : selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), environ 1,5 million de personnes en consomment régulièrement et 5 millions occasionnellement. Cette demande massive alimente un marché illégal florissant, souvent aux mains d’organisations criminelles qui prospèrent grâce à l’absence de régulation étatique.
La politique actuelle de prohibition, loin de freiner cette consommation, renforce paradoxalement les trafiquants. En interdisant le cannabis, l’État laisse le contrôle de sa production et de sa distribution à des réseaux criminels, qui n’hésitent pas à recourir à la violence pour défendre leurs intérêts. Les quartiers sensibles, où le trafic est particulièrement implanté, en subissent les conséquences : règlements de compte, insécurité et marginalisation sociale.
La légalisation permettrait à l’État de reprendre la main sur ce marché en instaurant des règles strictes de production, de distribution et de vente. Un exemple concret vient de l’Uruguay, premier pays à avoir légalisé le cannabis en 2013. Selon l’Institut de régulation et de contrôle du cannabis (IRCCA), le marché légal a capté environ 30 % du marché total en quelques années, affaiblissant les réseaux illégaux. En France, une régulation similaire pourrait priver les organisations criminelles d’une source de revenus majeure, tout en réduisant les violences liées au trafic. Comme le souligne le sociologue Michel Kokoreff, spécialiste des questions de drogue : « La prohibition est un cadeau fait aux trafiquants. La légalisation permettrait de leur couper l’herbe sous le pied. »
2. Revenus fiscaux supplémentaires
Outre son impact sur la criminalité, la légalisation du cannabis représente une opportunité économique considérable. En régulant ce marché, l’État pourrait générer des revenus fiscaux substantiels, réinjectés dans des secteurs clés comme la santé, l’éducation ou la sécurité publique.
Des exemples internationaux illustrent ce potentiel. Au Colorado, qui a légalisé le cannabis récréatif en 2014, les recettes fiscales ont dépassé 1,6 milliard de dollars entre 2014 et 2020, selon le Colorado Department of Revenue. Ces fonds ont financé des programmes de santé publique, des infrastructures éducatives et des campagnes de prévention. De même, au Canada, la légalisation en 2018 a généré environ 2,6 milliards de dollars canadiens en taxes et impôts en 2020, selon Statistique Canada, permettant de soutenir la recherche et la sensibilisation.
En France, le marché illégal du cannabis est estimé à environ 1 milliard d’euros par an, selon l’OFDT. En le légalisant et en le taxant, l’État pourrait récupérer une part significative de cette manne financière. Une étude de l’Institut Montaigne évalue que la légalisation pourrait rapporter entre 2 et 2,8 milliards d’euros annuels, selon le modèle de régulation adopté. Ces revenus pourraient alléger le déficit budgétaire ou financer des politiques sociales dans un contexte économique marqué par la crise post-Covid-19. Comme le note l’économiste Pierre Kopp, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne : « La légalisation du cannabis représenterait une manne financière non négligeable pour l’État, surtout dans un contexte de crise économique. »
3. Réduction des coûts judiciaires et policiers
La prohibition du cannabis engendre également des coûts colossaux pour le système judiciaire et policier français. Chaque année, environ 140 000 interpellations pour usage de stupéfiants sont enregistrées, dont la majorité concerne le cannabis, selon le Ministère de l’Intérieur. Ces affaires mobilisent des ressources importantes : heures de travail policier, engorgement des tribunaux et incarcérations pour des infractions mineures comme la possession ou la consommation.
Cette répression est pourtant largement inefficace : elle n’a pas réduit la consommation ni le trafic, et elle détourne les forces de l’ordre de priorités plus urgentes, comme la lutte contre les crimes violents ou le terrorisme. Selon l’économiste Christian Ben Lakhdar, la légalisation pourrait économiser environ 500 millions d’euros par an en coûts de répression. De plus, elle allégerait la pression sur le système carcéral, déjà surchargé avec un taux d’occupation de 120 % en 2020, selon le Conseil de l’Europe.
En réallouant ces ressources, l’État pourrait renforcer la sécurité publique là où elle est réellement nécessaire, tout en mettant fin à une politique répressive souvent critiquée pour son manque de résultats tangibles.
4. Contrôle de la qualité et protection des consommateurs
Un autre avantage majeur de la légalisation est la possibilité de mieux protéger les consommateurs en contrôlant la qualité des produits. Sur le marché noir, le cannabis est souvent de piètre qualité, coupé avec des substances dangereuses (comme des produits chimiques ou des métaux lourds) ou contaminé par des pesticides. Ces produits posent des risques sérieux pour la santé des usagers, notamment sur le plan respiratoire ou neurologique.
Un marché légal permettrait d’imposer des normes strictes de production et de distribution, garantissant des produits sûrs et testés. Les Pays-Bas, avec leur politique de tolérance via les coffee shops, montrent l’exemple : des contrôles réguliers assurent la qualité et la sécurité des produits vendus. En France, une régulation similaire pourrait inclure des tests de pureté, des emballages informatifs indiquant les teneurs en THC et CBD, et des campagnes de sensibilisation sur les risques liés à la consommation.
Cette approche protégerait mieux les 5 millions de consommateurs occasionnels et 1,5 million de réguliers, tout en réduisant les hospitalisations liées à des produits frelatés. Elle offrirait aussi un cadre légal clair pour informer les usagers, notamment les jeunes, sur les dangers de l’abus de cannabis.
5. Création d’emplois et stimulation économique
La légalisation du cannabis pourrait également dynamiser l’économie française en créant des milliers d’emplois. La mise en place d’un marché légal nécessiterait le développement de filières dans la production (agriculture), la transformation (produits dérivés), la distribution et la vente. Aux États-Unis, l’industrie du cannabis emploie plus de 320 000 personnes, selon Leafly, tandis qu’au Canada, elle a généré environ 10 000 emplois depuis 2018, selon Statistique Canada.
En France, cette nouvelle industrie pourrait revitaliser des zones rurales grâce à la culture du chanvre, tout en stimulant l’innovation dans des secteurs comme la recherche médicale (cannabis thérapeutique) ou les produits dérivés (huiles de CBD, cosmétiques). Cela attirerait des investissements et positionnerait la France comme un acteur majeur du marché européen du cannabis, en pleine expansion. Comme le souligne Farid Ghehiouèche, entrepreneur et militant pour la légalisation : « La France a tous les atouts pour devenir un leader dans cette industrie, à condition de lever les barrières légales. »
6. Accès facilité au cannabis médical
La légalisation offrirait aussi un accès plus large et mieux encadré au cannabis médical, dont les bienfaits sont reconnus scientifiquement. Il est efficace pour soulager la douleur chronique, l’épilepsie, la sclérose en plaques ou les effets secondaires de la chimiothérapie. En France, bien que des expérimentations aient été lancées en 2020, l’accès reste limité à un petit nombre de patients.
Une légalisation complète permettrait d’élargir cet accès tout en assurant un cadre strict pour éviter les dérives. L’Allemagne, qui a légalisé le cannabis médical en 2017, compte aujourd’hui plus de 100 000 patients bénéficiaires, selon l’Institut allemand de la santé. En France, cette réforme pourrait non seulement améliorer la qualité de vie des patients, mais aussi encourager la recherche sur les propriétés thérapeutiques du cannabis, un domaine encore sous-exploité.
7. Évolution des mentalités et adaptation aux réalités sociétales
Enfin, la légalisation s’inscrit dans une évolution globale des mentalités. Selon un sondage IFOP de 2021, 51 % des Français y sont favorables, une proportion qui grimpe à 64 % chez les 18-24 ans. Cette tendance reflète un changement culturel profond, en phase avec les politiques adoptées par des pays comme le Canada, l’Uruguay ou les Pays-Bas.
La France ne peut se permettre de rester à la traîne. Alors que l’Allemagne et le Luxembourg envisagent eux aussi la légalisation, une inaction risquerait d’isoler le pays sur la scène européenne. Comme le souligne le député LREM François-Michel Lambert : « Il est temps de sortir de l’hypocrisie et de reconnaître que la prohibition a échoué. La légalisation est une solution raisonnable et responsable. »
Conclusion
La légalisation du cannabis avant la fin du mandat d’Emmanuel Macron est une opportunité historique pour la France. Elle permettrait de réduire la criminalité, de générer des revenus fiscaux, d’économiser des ressources judiciaires, de protéger les consommateurs, de créer des emplois, d’améliorer l’accès au cannabis médical et de s’aligner sur les évolutions sociétales. Face à ces arguments, il est impératif d’ouvrir un débat national et d’agir rapidement pour mettre en place une régulation responsable. Ne pas saisir cette chance serait un rendez-vous manqué avec l’avenir.