La Cour de cassation a rendu un arrêt le 21 juin 2023 concernant un pourvoi formé par le procureur général près la cour d’appel de Rouen contre un arrêt de ladite cour d’appel, chambre correctionnelle, en date du 5 septembre 2022. L’arrêt attaqué avait relaxé M. [P] [J] pour conduite après usage de stupéfiants, mais l’avait condamné à une amende de 400 euros, dont 300 euros avec sursis, pour une contravention au code de la route.
Le litige en question trouve son origine dans une affaire où M. [P] [J] avait été déclaré coupable par le tribunal correctionnel le 21 janvier 2021 de conduite d’un véhicule sous l’influence de produits stupéfiants et d’excès de vitesse (entre 40 et 50 km/h au-dessus de la limite autorisée). Le tribunal l’avait condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis, à une suspension de permis de conduire de six mois et à une amende de 50 euros.
M. [J] avait fait appel de cette décision, tandis que le ministère public avait formé un appel incident.
Le moyen soulevé dans le pourvoi porte sur la prétendue violation de l’article L. 235-1 du code de la route. Selon ce moyen, l’arrêt attaqué aurait relaxé M. [J] du chef de conduite après usage de stupéfiants en se basant sur le fait que l’expertise toxicologique ne mentionnait pas de taux de tétrahydrocannabinol (THC) et qu’aucune vérification n’avait été effectuée pour déterminer si le cannabidiol (CBD) consommé par l’intéressé dépassait le taux admissible de THC. Le pourvoi soutient que l’article L. 235-1 du code de la route incrimine la conduite après usage de stupéfiants sans faire référence à un dosage spécifique dans les analyses biologiques du contrevenant.
La Cour de cassation, dans sa réponse, se réfère à l’article L. 235-1 du code de la route ainsi qu’à l’annexe IV de l’arrêté du 22 février 1990 modifié, qui précise que le tétrahydrocannabinol est une substance classée comme stupéfiant. Elle souligne que l’article L. 235-1 incrimine la conduite après usage de stupéfiants, prouvé par une analyse sanguine ou salivaire, sans que le taux de produits stupéfiants révélé soit nécessairement supérieur au seuil minimum fixé par l’arrêté en vigueur. Ainsi, la cour d’appel aurait méconnu ces textes en relaxant M. [J] du délit de conduite après usage de stupéfiants, arguant du seuil de THC dans la salive sans tenir compte du fait que même une faible dose suffit à établir l’infraction.
Par conséquent, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 5 septembre 2022 dans ses dispositions relaxant le prévenu du délit de conduite après usage de stupéfiants, ainsi que celles concernant les peines prononcées. La déclaration de culpabilité pour l’infraction d’excès de vitesse, qui n’était pas remise en question par le moyen, est maintenue.
La cause et les parties sont renvoyées devant une autre chambre de la cour d’appel de Rouen, désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil, afin qu’elle puisse statuer à nouveau conformément à la loi, dans les limites fixées par la cassation.
Cet arrêt de la Cour de cassation met en lumière l’interprétation stricte de l’infraction de conduite après usage de stupéfiants, qui ne dépend pas du seuil de détection des substances stupéfiantes dans les analyses biologiques, mais plutôt de la simple constatation de l’usage de stupéfiants par le conducteur.