Le 3 juin 2024, la France a mis en place une réglementation stricte interdisant certains cannabinoïdes en raison de leurs effets psychoactifs, de leur potentiel d’abus, et des risques pour la santé publique. Cette décision, prise par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), s’inscrit dans une stratégie de surveillance accrue des cannabinoïdes synthétiques et hémisynthétiques, ainsi que des dérivés de composés naturels comme le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC).
Cannabinoïdes concernés par la réglementation
La décision du 22 mai 2024, et ses mises à jour du 4 juin 2024, visent principalement les cannabinoïdes formés à partir d’un noyau chimique de type benzo[c]chromène. Voici les principales substances concernées :
- H2-CBD (Dihydrocannabidiol) et H4-CBD (Tétrahydrocannabidiol) :
- Ces substances, obtenues par modification chimique du cannabidiol (CBD), sont désormais classées comme stupéfiants en France. Elles imitent les effets psychoactifs du THC, mais avec une intensité qui suscite des inquiétudes majeures pour la santé publique.
- Dérivés du noyau benzo[c]chromène :
- Tout cannabinoïde dérivé du noyau benzo[c]chromène est désormais interdit. Cela inclut les substances ayant subi des modifications chimiques spécifiques, telles que l’ajout de groupes hydroxyles, alkyles ou d’autres substituants sur différentes positions du noyau. Ces dérivés peuvent être partiellement ou totalement hydrogénés.

- Cannabinoïdes synthétiques :
- Plusieurs cannabinoïdes synthétiques, tels que 5F-CUMYL-PEGACLONE, 7APAICA, et BZO-HEXOXIZID, sont également classés comme stupéfiants. Ces substances, souvent vendues sous forme de résine, de poudre, ou d’e-liquides, présentent des risques élevés en raison de leur puissance et de la difficulté à contrôler leur concentration.
Mise à jour de la réglementation
Une mise à jour importante a été apportée par la décision de la Directrice générale de l’ANSM. Cette mise à jour, prenant en compte les particularités du chanvre industriel et de certaines substances dérivées, a précisé les conditions sous lesquelles certains cannabinoïdes sont exclus du classement comme stupéfiants :
- Acide Cannabinolique (CBNA) et le CBN : Le cannabinol (CBN) et son acide sont exclus du classement, conformément aux précédentes décisions.
- THCV (Tétrahydrocannabivarine) et THCVA (Acide Tétrahydrocannabivarique) : Ces composés sont exclus du classement tant que leur teneur ne dépasse pas 0,3%.
- THCA (Acide Tétrahydrocannabinolique) : Le THCA est exclu du classement sous réserve de respecter le seuil légal de 0,3%, tel que défini par l’arrêté du 30 décembre 2021.
Ces exclusions sont importantes pour les producteurs de chanvre industriel, textile ou agricole, où de très faibles concentrations de ces substances peuvent être présentes.
Justification de la réglementation
La décision de l’ANSM repose sur plusieurs considérations cruciales :
- Effets psychoactifs similaires au THC : Les cannabinoïdes visés, qu’ils soient naturels, hémisynthétiques ou synthétiques, partagent un mécanisme d’action similaire à celui du THC, induisant des effets psychoactifs significatifs.
- Risques pour la santé publique : Des incidents graves liés à la consommation de ces substances, rapportés par les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A), ont justifié une intervention rapide. Les effets indésirables rapportés incluent des vomissements, des pertes de connaissance, et des troubles cardiovasculaires graves.
- Potentiel de dépendance et d’abus : Comme le THC, les cannabinoïdes concernés peuvent entraîner une dépendance physique et psychologique, augmentant ainsi les risques de surdosage et de consommation compulsive.
Impact sur l’industrie du CBD et le chanvre industriel
Cette réglementation impose des contraintes supplémentaires à l’industrie du CBD en France. Les producteurs et distributeurs doivent s’assurer que leurs produits ne contiennent pas les substances désormais classées comme stupéfiants. Cependant, la mise à jour réglementaire apporte des clarifications importantes concernant les cannabinoïdes présents à de très faibles concentrations dans le chanvre industriel, permettant ainsi à certains produits de continuer à être commercialisés, sous réserve du respect des seuils légaux.
Impact de la nouvelle réglementation sur les CBD Shops en France
La récente mise à jour de la réglementation concernant les cannabinoïdes en France a des implications significatives pour les CBD shops, tant sur le plan commercial que légal. Ces boutiques, qui se spécialisent dans la vente de produits dérivés du chanvre, doivent désormais s’adapter à un cadre réglementaire plus strict, ce qui pourrait affecter leur offre de produits, leur clientèle, et leurs opérations globales. Voici les principaux impacts de cette réglementation sur les CBD shops en France.
1. Restriction de l’offre de produits
L’un des impacts les plus immédiats de cette réglementation est la restriction de l’offre de produits disponibles à la vente. Les CBD shops devront retirer de leurs rayons tous les produits contenant des cannabinoïdes nouvellement interdits, tels que le H4-CBD, le H2-CBD, ainsi que les dérivés du noyau benzo[c]chromène (comme le THCP, le HHCPO, etc.).
Conséquences directes :
- Réduction de la gamme de produits : Les CBD shops devront retirer des produits populaires ou récemment introduits, réduisant ainsi la diversité de leur catalogue.
- Pertes financières : Les stocks de produits désormais illégaux devront être éliminés, ce qui représente une perte d’investissement pour les détaillants.
- Révision des approvisionnements : Les fournisseurs devront être vérifiés pour s’assurer qu’ils respectent la nouvelle réglementation, ce qui pourrait entraîner des changements dans la chaîne d’approvisionnement.
2. Renforcement de la surveillance et des sanctions
Avec l’interdiction de nouvelles substances, les autorités françaises intensifieront probablement la surveillance des CBD shops pour s’assurer de la conformité. Les contrôles pourraient devenir plus fréquents, et les sanctions en cas de non-respect de la réglementation seront sévères.
Conséquences directes :
- Risques légaux accrus : Les CBD shops doivent s’assurer que tous les produits qu’ils vendent respectent la réglementation pour éviter des sanctions qui peuvent inclure des amendes lourdes, la fermeture du magasin, ou des poursuites pénales.
- Coûts de mise en conformité : Les magasins devront investir dans des audits de conformité, des tests de produits, et peut-être dans des formations pour leur personnel afin de s’assurer qu’ils comprennent bien la législation en vigueur.
3. Modification de la communication et du marketing
Les CBD shops devront ajuster leur stratégie de communication pour informer leurs clients des changements dans la disponibilité des produits et des raisons pour lesquelles certains produits ne sont plus en vente.
Conséquences directes :
- Adaptation des messages marketing : Les boutiques devront mettre à jour leur matériel publicitaire, leurs sites web, et leurs descriptions de produits pour refléter la nouvelle réglementation.
- Éducation des consommateurs : Il sera crucial d’éduquer les clients sur les raisons pour lesquelles certains produits ont été retirés, et sur les produits alternatifs qui restent légaux et disponibles.
4. Recentrage sur les produits légaux
Les CBD shops devront se concentrer davantage sur les produits qui restent légaux, notamment ceux à base de CBD, CBG, et autres cannabinoïdes non psychoactifs.
Conséquences directes :
- Opportunités pour les produits non psychoactifs : Les produits à base de CBD, CBG, et CBC, qui restent légaux, deviendront probablement le cœur de l’offre.
- Innovation dans les produits : Pour compenser la perte de certains produits, les CBD shops pourraient explorer de nouveaux produits dérivés, comme les formulations à base de cannabinoïdes mineurs légaux, ou se diversifier dans d’autres segments de bien-être.
5. Influence sur la clientèle et la demande
La réglementation pourrait aussi avoir un effet sur la demande des consommateurs. Certains clients recherchent des produits pour leurs effets psychoactifs légers, tandis que d’autres sont plus intéressés par les bienfaits thérapeutiques non psychoactifs.
Conséquences directes :
- Changement du profil de la clientèle : Certains clients pourraient se détourner des CBD shops s’ils ne trouvent plus les produits qu’ils recherchaient. D’autres, en revanche, pourraient être attirés par l’offre de produits strictement non psychoactifs.
- Nécessité de diversification : Pour maintenir la clientèle, les CBD shops pourraient avoir à diversifier leur offre en intégrant des produits liés au bien-être, comme des huiles essentielles ou des compléments alimentaires naturels, qui complètent l’usage du CBD.
Liste des cannabinoïdes légaux et interdits en France.
Conclusion
La France a renforcé sa régulation des cannabinoïdes, avec une attention particulière portée aux substances dérivées du noyau benzo[c]chromène, aux cannabinoïdes synthétiques, et aux hémisynthétiques comme le H2-CBD et le H4-CBD. Cette décision, motivée par des préoccupations de santé publique, vise à limiter l’accès à des substances potentiellement dangereuses tout en maintenant des exceptions strictement encadrées pour certaines substances présentes dans le chanvre industriel. Pour les consommateurs et les professionnels du secteur, il est crucial de rester informés des évolutions légales pour garantir la sécurité et la conformité de leurs pratiques.
Sources :
https://ansm.sante.fr/actualites/lansm-inscrit-de-nouveaux-cannabinoides-sur-la-liste-des-stupefiants
https://ansm.sante.fr/actualites/decision-du-22-05-2024-portant-modification-de-la-liste-des-substances-classees-comme-stupefiants
https://ansm.sante.fr/actualites/decision-du-03-06-2024-portant-modification-de-la-liste-des-substances-classees-comme-stupefiants