Lorsqu’il s’agit de l’arôme du cannabis, la question souvent posée est : les terpènes sont-ils la seule source d’arôme ? Cette interrogation ouvre la voie à une question plus vaste à laquelle la science s’efforce de répondre : quels composés sont responsables des arômes détectables dans le cannabis ? Bien que les terpènes jouent un rôle essentiel, de nouvelles découvertes scientifiques remettent en question l’idée qu’ils sont la seule source d’arôme.
Les terpènes ne sont que la partie visible de l’iceberg. Des recherches ont révélé que les aldéhydes jouent un rôle tout aussi important, voire plus, dans la présentation aromatique du cannabis. Les scientifiques ont identifié plusieurs aldéhydes qui peuvent être présents à des concentrations suffisamment élevées pour rivaliser, voire surpasser, l’impact olfactif des terpènes.
La science évolue quotidiennement et notre compréhension du cannabis en est transformée. Les tests en laboratoire actuels ne sont pas en mesure de mesurer avec précision tous les composés clés si l’objectif est le profilage des saveurs. La génétique des plantes est indéniablement importante, mais l’environnement de culture joue un rôle fondamental dans le produit final.
Les aldéhydes c’est quoi ?
Pour comprendre ce que sont les aldéhydes, il faut aller chercher du côté de la chimie. Ne froncez pas les sourcils, pas besoin de retrouver vos vieux manuels scolaires ! En chimie organique, un aldéhyde est une molécule constituée d’un groupement particulier d’atomes. C’est un composé chimique qui fait partie de la famille des carbonylés. En fait, l’aldéhyde est une double liaison entre un atome d’oxygène et un atome de carbone. Quand on parle des aldéhydes, on désigne une chaîne linéaire de carbone. Il s’agit majoritairement de molécules synthétiques que l’on créé en laboratoire, mais qui existent toutefois à l’état naturel dans le zeste des agrumes et même dans certains fruits.
La découverte
Les aldéhydes sont découverts au début du XIXe siècle, et plus précisément en 1835. C’est un chimiste allemand, le baron Von Liebig, qui isolera le premier ces molécules. Connu pour ses travaux en matière de chimie organique, ses découvertes ont largement influencé l’agriculture industrielle et la parfumerie moderne. En 1903, le chimiste Auguste Darzens parvient à synthétiser les aldéhydes pour les reproduire. Mais son procédé est encore aléatoire et la qualité comme la quantité des molécules ne sont pas entièrement satisfaisantes. Un nouveau procédé beaucoup plus fiable voit le jour une quinzaine d’années plus tard grâce à de nouvelles découvertes technologiques. C’est à partir de 1910 que la production industrielle des aldéhydes commence.
L’utilisation des aldéhydes en parfumerie
À leurs débuts, les aldéhydes sont peu utilisés. Et lorsqu’ils le sont, c’est avec beaucoup de modération et dans le simple but de stabiliser les formules. Il faudra attendre le génie et l’audace de certains parfumeurs pour faire connaître ces molécules à l’odeur si typique. C’est le cas de Robert Bienaimé qui créé en 1912 la fragrance Quelques fleurs, pour la maison Houbigant. Ce nez précurseur offre alors une place importante aux molécules de synthèse comme l’hydroxycitronella qui évoque le muguet… et l’aldéhyde C12 ! La créativité paye et le succès est important. Cette fragrance résolument moderne pour son époque influencera d’autres parfumeurs, et notamment Ernest Beaux, le nez de la célèbre Gabrielle Chanel. Pour elle, il créera l’iconique N°5 en 1921. Pour la première fois dans une composition, les aldéhydes sont largement perceptibles. Ils confèrent à la fragrance un sillage puissant, un aspect artificiel et « métallique ». Très vite ensuite, les aldéhydes s’invitent dans de nombreux grands parfums, jusque dans les années 90.
Mais après tant d’années au sommet, les molécules adorées finissent par lasser. Face aux nouveaux parfums gourmands, ils se font délaisser par les nez qui leur favorisent d’autres facettes plus rassurantes et régressives. Mais les aldéhydes sont loin d’avoir dit leur dernier mot ! C’est grâce à la parfumerie de niche que ces molécules reviendront sur le devant de scène, retravaillées de façon plus moderne.
Mais ça sent quoi, les aldéhydes ?
En parfumerie, les aldéhydes sont considérés comme une facette olfactive que l’on accordera avec les ingrédients d’une composition pour former une fragrance. Côté odeur, ils sont tous différents et apporteront chacun des notes particulières à un parfum. Les aldéhydes sont en fait catégorisés par le nombre d’atomes de carbone qu’ils contiennent. On va ainsi retrouver des aldéhydes C6, C7, C8… Jusqu’au C12 ! Et chacun d’entre eux diffuse une senteur différente. Ainsi, la C11 évoque l’odeur de la bougie, la C10 fleure bon l’orange quand une autre sent la pomme verte… La C12, utilisée dans le fameux N°5, délivre quant à elle un parfum gras, chaud et métallique, si bien qu’on le compare volontiers au fer à repasser chaud.
Les accords des aldéhydes
Selon la classification des familles olfactives, la facette aldéhydée fait partie de la famille fleurie. On parle d’ailleurs souvent des aldéhydes comme des fleurs de laboratoire. C’est ainsi qu’ils furent utilisés dans les premières compositions, pour donner de la puissance et de la sensualité aux bouquets floraux. Certains parfumeurs disent même que ces molécules font « chanter les fleurs » ! Les aldéhydes apportent du volume et de la fraîcheur aux compositions, avec un aspect métallique qui dévoile une certaine brillance, comme s’ils faisaient vibrer les fragrances. Au-delà des parfums floraux, ces notes s’accordent aussi très bien aux compositions chyprées et aux sillages boisés, dont ils renforcent la puissance et la stabilité.
Voici quelques aldéhydes clés qui peuvent contribuer à l’arôme du cannabis :
Acide acétique : connu pour son goût aigre et son odeur piquante, on le trouve couramment dans le vinaigre.
Acétamide : utilisé comme désinfectant, il peut être libéré lors du tabagisme et possède un goût amer.
Benzaldéhyde : un composé organique avec une odeur caractéristique d’amande, souvent utilisé dans l’industrie.
Heptanal : un liquide incolore à l’odeur fruitée, utilisé dans les parfums et les lubrifiants.
Méthylisohexénylcétone : apportant des notes de poivre, de champignon et de caoutchouc.
2-éthylhexanol : présent dans les parfums végétaux naturels, il offre des arômes lourds, terreux ou légèrement floraux.
Décanal : un aldéhyde gras avec des notes cireuses, grasses, de zeste d’agrumes et d’orange, légèrement nuancé de melon vert.
Hexanale : utilisé dans l’industrie des arômes pour créer des arômes fruités, rappelant l’herbe fraîchement coupée.
2-chloroacétophénone : ayant une odeur florale, il est utilisé comme agent anti-émeute et gaz lacrymogène.
Octanal : présent naturellement dans les huiles d’agrumes, il est utilisé dans les parfums et l’industrie alimentaire pour ses arômes fruités.
Pentanal : utilisé dans les arômes, la chimie des résines et les accélérateurs de caoutchouc, il offre des arômes fermentés, briochés, fruités, de noisette et de baie.
Anthranilate de méthyle : utilisé dans certains répulsifs pour oiseaux, il possède une odeur fruitée de raisin et est utilisé comme agent aromatisant.
Ces aldéhydes, associés aux terpènes, contribuent à la complexité de l’arôme du cannabis. Cependant, il convient de souligner que cette liste ne tient pas compte de tous les autres composés olfactifs clés, de la recombinaison génétique ni de l’impact de l’environnement de culture.
En conclusion, il est clair que les terpènes ne sont pas la seule source d’arôme du cannabis. Les aldéhydes jouent également un rôle essentiel dans la présentation olfactive de cette plante. Alors que la science continue d’explorer les composés responsables des arômes du cannabis, il est crucial de reconnaître l’interaction complexe entre la génétique des plantes, l’environnement de culture et les autres composants olfactifs présents.