Le 15 septembre 2025, lors d’une conférence de presse à Caracas, le président vénézuélien Nicolás Maduro a catégoriquement rejeté toute réforme des lois sur le cannabis dans son pays. Face aux journalistes internationaux, il a martelé que son gouvernement ne déviera pas de sa ligne dure en matière de drogues, malgré les tendances mondiales à la légalisation. « Au Venezuela, [le cannabis] est toujours illégal et le restera. Au Venezuela, nous ne tomberons pas dans la tendance insensée de légaliser toute drogue », a-t-il déclaré, reprenant mot pour mot le message qu’il souhaite faire passer. Cette prise de position sans ambiguïté s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes autour du trafic de stupéfiants et de rivalités politiques avec les États-Unis.
Des déclarations choc contre la « mode » de la légalisation
Interrogé sur la possibilité d’assouplir la législation anti-cannabis, Maduro a opposé une fin de non-recevoir en des termes particulièrement virulents. Le dirigeant chaviste a qualifié la légalisation des drogues de « mode stupide » à laquelle le Venezuela ne saurait céder. Insistant sur le caractère intransigeant de sa politique antidrogue, il a souligné que la consommation et la culture de marijuana demeureraient illégales sur tout le territoire national, « peu importe ce qu’ont fait d’autres pays ». À travers ces paroles, Maduro a voulu se démarquer explicitement des exemples étrangers : « Le gouvernement vénézuélien ne suivra pas la tendance insana (malsaine) de légaliser la marijuana, contrairement à certaines nations voisines qui ont choisi cette voie », a-t-il lancé en substance.
Le président vénézuélien a également dénoncé vigoureusement les accusations de narcotrafic portées contre son régime. Quelques jours avant sa déclaration, la presse avait relié le Venezuela à une importante saisie de cannabis au Brésil – une association que Maduro a jugée infondée et offensante. Exaspéré, il a opposé un démenti catégorique et a saisi l’occasion pour contre-attaquer en pointant l’« hypocrisie » américaine. « Si vous voulez trouver de la marijuana, cherchez-la aux États-Unis, qui produisent du super-cannabis synthétique et où la production et la consommation de marijuana sont légales. Comment peuvent-ils pointer du doigt le Venezuela ? Ils n’ont aucune morale », a-t-il fustigé devant les caméras. Par cette tirade, Maduro renverse l’argument : il présente Washington comme le vrai responsable de la diffusion de drogues en Amérique, rappelant que de nombreux États américains ont légalisé le cannabis, alors que Caracas campe sur l’illégalité totale.
Un contexte explosif entre trafic, accusations et tensions régionales
Les propos de Nicolás Maduro interviennent dans un contexte politique et sécuritaire tendu, où le Venezuela se retrouve mêlé à des affaires de trafic de stupéfiants malgré lui. Quelques jours avant la conférence de presse, le 10 septembre, la Force aérienne brésilienne a intercepté un petit avion en provenance du Venezuela qui avait pénétré illégalement l’espace aérien du Brésil. Après une course-poursuite rocambolesque au-dessus de l’Amazonie, l’appareil – un Beechcraft 58 Baron – s’est écrasé près d’un plan d’eau dans l’État d’Amazonas. Le pilote a pris la fuite, mais les autorités brésiliennes ont découvert 380 kg de cannabis à bord de l’avion. Cette saisie spectaculaire a immédiatement fait les gros titres et relancé les soupçons de narcotrafic impliquant le Venezuela.
Maduro a fermement nié que son pays soit producteur ou exportateur de cannabis, y voyant une manœuvre pour le discréditer. Selon lui, l’affaire de l’avion intercepté aurait été exploitée pour accuser à tort Caracas de complicité dans le trafic. Le chef de l’État s’est donc employé à détourner l’attention vers les États-Unis, un adversaire traditionnel de son régime. Il a souligné que Washington, tout en se posant en gendarme antidrogue, autorise sur son sol ce qu’il reproche aux autres – en l’occurrence, la culture du cannabis. « Vous [les Américains] nous accusez immoralement, alors que chez vous le cannabis circule librement », a-t-il résumé en substance lors de la conférence.
Cette posture combative s’explique aussi par les accusations directes de narcotrafic formulées contre Maduro au plus haut niveau américain. Depuis 2020, l’administration Trump (toujours au pouvoir en 2025) désigne régulièrement le président vénézuélien comme un acteur majeur du trafic de cocaïne dans la région. Washington a même promis des récompenses financières pour toute information menant à son arrestation, assimilant le gouvernement chaviste à un « cartel ». Maduro, de son côté, rejette ces allégations qu’il juge « immorales » et y voit le prétexte d’une « agression » américaine visant un changement de régime. Sa rhétorique anti-cannabis et anti-drogue s’inscrit donc dans une stratégie plus large de légitimation : en se posant en champion de la lutte antidrogue, il tente de démentir l’image d’un narco-État que ses adversaires cherchent à lui coller.
Par ailleurs, la prise de parole de Maduro survient alors que les tensions militaires montent dans les Caraïbes. Les États-Unis ont récemment renforcé leur présence dans la région sous prétexte de lutte antidrogue : déploiement de chasseurs F-35 sur la base de Ceiba à Porto Rico, envoi de navires de guerre, de sous-marins nucléaires et de 4 000 Marines dans le sud de la mer des Caraïbes. Début septembre, l’US Navy a même coulé deux embarcations soupçonnées de transporter des stupéfiants pour le compte de groupes criminels vénézuéliens, causant la mort de plus d’une dizaine de personnes. Caracas dénonce ces opérations comme des agressions illégales et y voit la preuve que Washington mène une « guerre non déclarée » sous couvert d’antidrogue. Dans ce climat explosif, la fermeté de Maduro sur le cannabis apparaît aussi comme un message de souveraineté : pas question de laisser les Américains dicter la politique vénézuélienne en la matière.
Réactions internationales et critiques d’ONG
Les déclarations tranchées de Nicolás Maduro n’ont pas manqué de faire réagir au-delà des frontières du Venezuela. De nombreux médias internationaux ont relayé ses propos, soulignant le décalage entre la position vénézuélienne et l’évolution globale des politiques sur le cannabis. Des sites spécialisés dans l’industrie du cannabis ont par exemple qualifié Maduro de « champion de la prohibition », notant qu’il « ne montre aucune intention de laisser son pays moderniser ses lois sur le cannabis ». La presse anglo-saxonne a aussi mis en avant le ton défiant du président vénézuélien vis-à-vis des États-Unis. Le magazine américain High Times a titré sur « le président qui s’en prend à l’herbe et interpelle les USA », insistant sur le fait que Caracas reste une exception dans un monde où la légalisation gagne du terrain.
Du côté des organisations de la société civile, la sortie de Maduro a été critiquée comme une approche rétrograde et contre-productive. Plusieurs ONG engagées dans la réforme des politiques antidrogue soulignent que la prohibition pure et simple du cannabis est un échec en termes de santé publique et de sécurité. « L’histoire a montré que l’interdiction du cannabis est une politique publique vouée à l’échec où qu’elle soit appliquée », rappellent ces experts, qui plaident pour des réglementations sensées plutôt qu’une guerre totale aux drogues. Des associations de défense des droits humains notent par ailleurs que la criminalisation du cannabis s’accompagne souvent de dérives liberticides. Au Mexique par exemple – pays emblématique de la “guerre contre la drogue” – l’interdiction a entraîné l’incarcération de milliers de consommateurs non violents et alimenté les abus policiers. Dans ce contexte, persister dans la voie répressive, comme le fait Caracas, fait craindre une aggravation des violations de droits civiques (incarcérations arbitraires, surpopulation carcérale, etc.) sans bénéfice réel sur le trafic.
Des responsables politiques latino-américains ont également réagi, de manière plus feutrée, aux propos de Maduro. Sans le nommer directement, certains rappellent que la légalisation contrôlée peut être un outil contre le crime organisé. C’est la position du président colombien Gustavo Petro, qui milite dans son propre pays pour une approche différente. Après l’échec d’une réforme pro-légalisation en 2023 à Bogota, Petro a déploré que « rejeter la légalisation du cannabis ne fait qu’augmenter les profits du narcotrafic et sa violence ». Cette critique implicite vise les partisans du statu quo prohibitionniste – une catégorie dans laquelle Maduro s’est de facto rangé. De même, des militants anti-drogue brésiliens ont souligné le paradoxe d’un Venezuela ultra-répressif alors que la propre Cour suprême du Brésil a récemment dépénalisé la possession de cannabis pour usage personnel (février 2025). Autant de voix qui dessinent une opinion régionale de plus en plus favorable à des réformes – et donc opposée à l’intransigeance affichée par Caracas.
Le Venezuela isolé face à la vague latino-américaine de légalisation
En campant sur une prohibition totale, le Venezuela de Nicolás Maduro apparaît de plus en plus isolé en Amérique latine. Ces dernières années, plusieurs pays de la région ont engagé des évolutions significatives de leurs lois sur le cannabis, à rebours de la ligne vénézuélienne. Le cas le plus emblématique est celui de l’Uruguay : dès 2013, ce petit pays voisin a fait figure de pionnier en devenant le premier État au monde à légaliser entièrement le cannabis récréatif. Sous l’impulsion de l’ex-président José Mujica, Montevideo a mis en place un système strict de régulation d’État pour assécher le marché noir. Dix ans plus tard, le bilan uruguayen est largement cité en exemple. Selon des données officielles présentées en 2025, la légalisation en Uruguay n’a pas provoqué d’explosion de la consommation : la proportion d’usagers problématiques est restée stable autour de 2% de la population depuis 2011, et le taux global de consommation a même légèrement baissé (de 14,6% en 2018 à 12,3% en 2024). Parallèlement, le pays a su construire un marché légal encadré : plus de 75 000 Uruguayens se sont inscrits pour acheter du cannabis en pharmacie de manière régulière et contrôlée par l’État. En s’obstinant à interdire toute filière légale, le Venezuela se prive donc d’un modèle qui, chez son voisin, a permis de réduire l’influence des trafiquants tout en engrangeant de nouvelles recettes fiscales.
Le Mexique constitue un autre exemple marquant de la tendance régionale à la libéralisation. Après des années de violence liée aux cartels, le pays a amorcé un virage juridique : en 2018, la Cour suprême mexicaine a jugé inconstitutionnelle l’interdiction de l’usage récréatif du cannabis, estimant qu’elle portait atteinte aux libertés individuelles. Ce jugement historique a forcé le Parlement mexicain à plancher sur une loi légalisant et réglementant le cannabis – un processus encore en cours, mais qui a déjà abouti à la dépénalisation de l’usage personnel en 2021. Si bien qu’aujourd’hui, le Mexique s’achemine progressivement vers un cadre légal plus permissif, avec des clubs de consommateurs et des licences de production en discussion.
Même la Colombie, longtemps fer de lance de la guerre antidrogue, envisage désormais la légalisation du cannabis. Sous la présidence de Gustavo Petro, un projet de réforme constitutionnelle a été présenté pour autoriser le cannabis récréatif chez les adultes. Bien qu’une première tentative ait échoué de peu fin 2023, le gouvernement colombien a réintroduit l’initiative en 2024, arguant que réguler le cannabis affaiblirait les narcotrafiquants et permettrait d’affecter des ressources fiscales à la santé et l’éducation dans les régions cultivatrices. Cette dynamique traduit un changement de paradigme : plutôt que de réprimer la drogue par la force, on cherche à la contrôler par la loi, un concept que le pouvoir vénézuélien refuse catégoriquement d’envisager.
D’autres pays d’Amérique latine ont également adopté des approches plus ouvertes. Dès 2017, l’Argentine a légalisé le cannabis à usage médical et autorisé la culture domestique à des fins thérapeutiques, reconnaissant les vertus du chanvre pour certains patients. Le Chili et le Brésil ont, quant à eux, entamé des débats publics sur la dépénalisation de la possession de petites quantités, et les tribunaux brésiliens ont fini par franchir le pas sur la question du cannabis personnel en 2025. Face à cette vague de réformes, le Venezuela fait figure de bastion du prohibitionnisme dans la région. Aucun projet de loi n’y est à l’ordre du jour pour assouplir la loi antidrogue datant de 2010, qui punit toujours la possession de cannabis (au-delà de 20 grammes) d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 2 ans. Le gouvernement Maduro reste sourd aux arguments économiques (développement d’une industrie du cannabis thérapeutique) et sanitaires (politique de réduction des risques) qui ont convaincu plusieurs de ses voisins.
Implications : entre choix idéologique et conséquences pratiques
En refusant toute réforme, Nicolás Maduro fait avant tout un choix idéologique et politique. En interne, adopter une ligne dure anti-cannabis lui permet de rallier l’aile conservatrice de son régime et de l’armée, tout en renforçant son discours de « souveraineté face à l’empire yankee ». Sur la scène internationale, cette obstination le place toutefois en porte-à-faux. À court terme, le Venezuela risque de rester exclu des courants de changement qui traversent le continent en matière de drogue, ce qui peut l’isoler diplomatiquement. À plus long terme, les conséquences pratiques de ce refus pourraient se faire sentir sur plusieurs plans.
En matière de sécurité et de crime organisé, les experts estiment que le statu quo profite surtout aux trafiquants : tant que la marijuana reste totalement clandestine, son commerce illégal continue d’enrichir des réseaux mafieux, possiblement y compris certains secteurs corrompus à l’intérieur du pays. Une légalisation encadrée, au contraire, permettrait de casser une part du marché noir – comme on l’a observé en Uruguay où les ventes légales en pharmacies ont pris des parts de marché aux dealers. Caracas se prive ainsi d’un outil potentiel pour réduire l’emprise des cartels. Sur le plan économique, le Venezuela pourrait passer à côté d’une source de revenus alternative bienvenue en pleine crise financière. Plusieurs nations voisines (Colombie, Mexique) anticipent en effet un essor de l’industrie du cannabis – notamment thérapeutique – créateur d’emplois et de recettes fiscales. En choisissant l’interdiction totale, Maduro ferme la porte à d’éventuels investissements dans ce secteur émergent, au moment où le pays cherche pourtant à diversifier une économie exsangue.
Enfin, concernant les droits civiques et la santé publique, la ligne dure comporte des risques. Le maintien de la prohibition signifie que les usagers vénézuéliens de cannabis resteront des délinquants aux yeux de la loi, exposés à des poursuites et à la stigmatisation. Cela pourrait perpétuer des pratiques de répression policière ciblant de préférence les populations les plus vulnérables, sans réellement freiner la consommation. En outre, priver totalement la population d’accès légal au cannabis pourrait empêcher des patients de bénéficier de traitements médicaux à base de cannabinoïdes, reconnus efficaces pour certaines pathologies (épilepsie, douleurs chroniques, etc.). À l’inverse, une dépénalisation mesurée accompagnée de campagnes de prévention aurait pu apporter des bénéfices en santé publique, en orientant les consommateurs vers des produits contrôlés et en libérant des ressources pour lutter contre les drogues plus dures.
En somme, la fin de non-recevoir opposée par Nicolás Maduro aux réformes sur le cannabis illustre le fossé qui se creuse entre le Venezuela et nombre de ses voisins latino-américains. Tandis qu’une grande partie du continent explore de nouvelles approches face au fléau de la drogue – régulation, dépénalisation, usage médical –, Caracas s’accroche à une doctrine prohibitionniste datant du siècle dernier. Reste à voir si cette position sera tenable indéfiniment, alors que les pressions internationales et internes pourraient s’accumuler pour que le pays revoie sa copie. Pour l’heure, Maduro campe sur ses déclarations : « Jamás la vamos a legalizar » – « Jamais nous ne la légaliserons » – le cannabis au Venezuela continuera d’être persona non grata, quoi qu’il en coûte.
Sources :
La Patilla, 15 sep. 2025 lapatilla.com ;
El Planteo, 18 sep. 2025 elplanteo.comelplanteo.com ;
High Times, 18 sep. 2025 hightimes.com